Bien chers adeptes de notre atelier hebdomadaire,
Je vous
propose cette fois-ci de nous inspirer concrètement de la lecture de cet
extrait de livre de nouvelles d'Eric-Emmanuel Schmitt pour nous projeter à tour
de rôle dans l'imaginaire ... puisque chacun possède cette belle capacité que
la littérature aide à fortifier !
L’intruse
Dehors, bien
que juillet débutât, les pelouses jaunissaient, les arbres perdaient des
feuilles
roussies. La canicule avait frappé la
place du Trocadéro. Elle avait frappé la France entière.
Chaque jour, elle perfectionnait son
œuvre de mort ; chaque jour le journal télévisé
énumérait ses nouvelles victimes…
La sonnette retentit.
_ Charles !
Odile ouvrit la porte et découvrit
Charles sur le palier.
_ Ah ! Quel bonheur ! Enfin !
_ Oui, excuse-moi, je n’ai pas pu
revenir aussi vite que je te l’avais promis.
_ Ce n’est pas grave, tu es pardonné.
En entrant dans l’appartement, il fit
surgir une jeune femme derrière lui.
_ Tu reconnais Yasmine ?
Odile n’osa pas le contrarier en
avouant qu’elle ne se souvenait pas de la jolie brune élancée qui le suivait.
Ah, cette infirmité de n’avoir aucune mémoire des physionomies…
« Pas de panique, ça, va me revenir
», pensa-t-elle.
_ Bien sûr. Entrez.
Yasmine avança, embrassa Odile sur
les joues et, pendant cette étreinte, Odile, si elle
n’arriva pas à l’identifier, sentit
en tous cas qu’elle la détestait.
On passa au salon où on se mit à
parler de la canicule. Odile se prêtait vaillamment à la
conversation quoique son esprit ne
pût s’empêcher de vagabonder en dehors des phrases
échangées ; « c’est absurde, nous
devisons à propos du temps sur un ton mondain en
présence d’une inconnue alors que
nous avons, Charles et moi, tant de choses à nous dire ».
Soudain, elle interrompit la
discussion et fixa Charles.
_ Dis-moi, ce qui te manque, ce sont
des enfants ?
_ Quoi ?
_ Oui, je me demandais ces jours-ci
ce qui clochait entre nous et il m’est venu à l’esprit que tu voulais sans
doute des enfants. D’ordinaire, les hommes en désirent moins facilement que les
femmes…Veux-tu des enfants ?
_ J’en ai ;
Odile crut avoir mal compris.
_ Quoi ?
_ J’ai des enfants. Deux. Jérôme et
Hugo.
_ Pardon ?
_ Jérôme et Hugo.
_ Quel âge ont-ils ?
_ Deux et quatre ans.
_ Avec qui les as-tu eus ?
_ Avec Yasmine.
Odile se tourna vers Yasmine qui lui
sourit. « Odile, réveille-toi, tu cauchemardes, là, ce n’est pas la réalité. »
_ Vous…vous…vous avez eu deux enfants
ensemble ?
_ Oui, confirma l’intrigante en
croisant élégamment ses jambes, comme si de rien n’était.
_ Et vous venez chez moi, sans gêne, avec un sourire, pour me le dire ?
Vous êtes des
monstres !
La suite se
montra confuse. Odile était tellement secouée par le chagrin qu’entre ses cris
et ses larmes elle ne comprenait plus rien de ce qu’on proférait autour d’elle.
Plusieurs fois, Charles tenta de la prendre dans ses bras ; chaque fois, elle
le repoussa avec virulence.
_ Traître ! Traître ! C’est fini, tu m’entends, c’est fini ! Pars ! Mais pars donc !
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